Entretien avec Saâdane Afif : variations sur le même thème

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Texte publié sur Inferno – 2013

Entretien avec Saâdane Afif / Exposition « Blue Time, Blue Time, Blue Time » à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne / Jusqu’au 28 avril 2013.

Vue de l’exposition Saâdane Afif, Blue Time, Blue Time, Blue Time..., 1er mars - 28 avril 2013, Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes © Blaise Adilon

Vue de l’exposition Saâdane Afif, Blue Time, Blue Time, Blue Time…, 1er mars – 28 avril 2013, Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes © Blaise Adilon

Saâdane Afif donne sa nouvelle exposition à l’IAC de Villeurbanne. Intitulée « Blue Time, Blue Time, Blue Time », elle présente les variations et déclinaisons opérées depuis 2004 autour d’une même œuvre ainsi que ses infinies possibilités d’interprétations.

Saâdane Afif mène un travail conceptuel qui l’a conduit, il y a une dizaine d’années, à passer des commandes de textes autour d’une œuvre à des paroliers et compositeurs qui lui sont proches. Ces textes sont à la fois un prolongement, une émanation de l’œuvre et un matériau. À l’occasion de l’ouverture de son exposition, il a accepté de répondre à nos questions et de nous éclairer sur son travail.

Inferno : Pouvez-vous revenir sur le « virage » qu’il y a eu dans votre carrière en 2004, au moment où vous avez commencé à passer des commandes ?

Saâdane Afif : Ce n’est pas vraiment un virage. L’exposition à Essen était une petite exposition, sans grands moyens. Il était très difficile d’amener le commissaire à produire de nouvelles pièces donc la seule alternative était d’amener des pièces existantes. Ce genre de chose me frustre. J’ai donc décidé de faire une expérience que je n’avais jamais faite. J’ai demandé à Lili Reynaud-Dewar, une amie de longue date si elle voulait bien écrire des textes de chansons, c’est-à-dire un format poétique, en relation avec les œuvres que je présentais après lui avoir expliqué la forme, ce que j’allais présenter, etc.

Je ne savais pas très bien ce que seraient ces « choses » à l’époque, je pensais que ça produirait une sorte de commentaire et finalement cela interrogeait la façon dont chacun peut prendre en main sa propre interprétation d’une œuvre. En plus comme c’est poétique – c’est une forme qui résiste à l’entendement direct – ce n’est pas quelque chose d’explicatif : ce qui m’intéressait beaucoup. On ne surligne pas ; on fait vibrer avec. Alors, j’ai commencé à interroger ces textes et j’ai essayé de les incarner : le texte existe pour lui-même sur le mur de la galerie comme une œuvre mais il peut être incarné différemment, je l’ai passé à des musiciens, j’ai fait des expériences avec, etc. Et ça a commencé à augmenter le sens de chaque chose et la réalité du travail à travers le regard de quelqu’un d’autre. Ça amène quelque chose de frais, de l’imaginaire de l’autre et cela produit des mutations. Les choses s’enclenchent d’elles-mêmes et les textes deviennent matériaux de travail. Ils peuvent être illustrés, parlés, chantés, collés au mur, etc.

Inferno : Pouvez-vous nous parler de l’exposition « Blue Time, Blue Time, Blue Time » et des œuvres qui y sont présentées ?

Saâdane Afif : Il s’agit d’une seule exposition, comme une grande installation. C’est une sorte d’enquête : on suit un des premiers textes qui a été écrit sur mon travail par Lili Reynaud-Dewar intitulé Blue Time. C’est un texte qui parle d’un musicien et qui est en relation avec l’œuvre Blue Time (Sunburst). Cette dernière est une œuvre finalement assez simple, c’est le mariage d’une pendule et d’une guitare et ça devient une sorte de corps rond fait par un luthier dans lequel il y a un mécanisme d’horloge qui est amplifié comme pour une guitare électrique.

Lili Reynaud-Dewar a donc écrit un texte très beau qui s’appelle évidemment Blue Time. C’est l’histoire d’un musicien qui a toujours été un looser qui a toujours cherché le succès mais ne l’a jamais trouvé, et qui n’a jamais perdu son idéal. C’est en forme d’autodérision et de portrait de l’artiste.

Inferno : Comment vous est venue l’idée de cette exposition ?

Saâdane Afif : À partir du moment où les textes sont apparus dans mon travail, ils sont devenus de vrais matériaux – ils sont à la fois œuvres et matériaux – . Je les ai donc réutilisés souvent, dans des contextes différents et c’est en regardant les premières façons d’assembler différentes étapes du travail dans cet espace que j’ai commencé à m’apercevoir qu’en suivant Blue Time je créais une exposition uniquement autour de ce texte.

Donc l’exposition part de Blue Time et de tout ce qui peut exister autour. On suit l’histoire de ce texte : on a réactualisé des choses qui existaient et on en a créé de nouvelles aussi en fonction de cette histoire-là. On retrace grosso modo huit ans de Blue Time, de pérégrinations placées dans la bouche d’un speaker corner, à la radio, dans une répétition, etc. On suit Blue Time depuis la salle originale – qui est exactement disposée comme elle l’était au Wolfgang Museum d’Essen – et à partir de là, on peut retrouver tous les éléments.

Et puis évidemment, toutes les règles doivent être transgressées donc il y a des « erreurs » sciemment posées pour aller raconter d’autres étapes du travail, mais qui sont quand même liées de près à cette chanson.

Propos recueillis par Anne-Sophie Miclo
mars 2013

Saâdane Afif, « Blue Time, Blue Time, Blue Time », du 1er mars au 28 avril 2013 / Du mercredi au dimanche de 13 h à 19 h / Institut d’Art Contemporain 11, rue Docteur Dolard 69100 Villeurbanne – France / T. +33 (0)4 78 03 47 00 / Plein tarif : 4 € / Tarif réduit : 2,50 €.

Vue de l’exposition Saâdane Afif, Blue Time, Blue Time, Blue Time..., 1er mars - 28 avril 2013, Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes © Blaise Adilon

Vue de l’exposition Saâdane Afif, Blue Time, Blue Time, Blue Time…, 1er mars – 28 avril 2013, Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes © Blaise Adilon