Capucine Vandebrouck, Fragile matérialité

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Capucine Vandebrouck, Les Mouchoirs, 2012, résine époxy noire et mouchoirs, 15 x 22 x 15 cm vue de l'exposition, "Echo of the Moon / I wish Blue could be Water / Project Romm n°10, avec Vanessa Safavi et Luca Francesconi, CRAC Alsace, Altkirch

Capucine Vandebrouck, Les Mouchoirs, 2012, résine époxy noire et mouchoirs, 15 x 22 x 15 cm
vue de l’exposition, « Echo of the Moon / I wish Blue could be Water / Project Romm n°10, avec Vanessa Safavi et Luca Francesconi, CRAC Alsace, Altkirch

 

Capucine Vandebrouck est une artiste plasticienne, diplômée de l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg en 2011. À l’heure où l’expérience artistique a parfois tendance à devenir plus vaporeuse, où l’objet s’efface pour laisser place à l’expérience de la sensation, Capucine Vandebrouck, sculptrice, prend le contrepied et place le matériau au centre de son travail qui invite à la contemplation.

Éloge de la matière

L’artiste puise son inspiration dans le quotidien qui l’entoure : tout est matière et inspiration à œuvre et tout particulièrement les matériaux industriels ou standardisés. L’on remarque dans son travail une appropriation du quotidien. Elle ouvre le champ des possibilités des matériaux industriels qui, après l’intervention de l’artiste, deviennent fragiles, poétiques et expressifs. Elle les choisit notamment pour leurs qualités plastiques et leurs formes épurées, cela afin de créer une expérience visuelle. Dans son travail, l’œuvre n’a de cesse d’entamer un dialogue avec ce qui la compose et le choix de l’objet donne à l’artiste certaines obligations.

« Je porte un attention particulière à tout ce qui est à la portée de ma main, déclare l’artiste. Comment faire beaucoup avec pas grand chose… et démontrer que peu importe le matériau utilisé, l’important, c’est de lui donner une nouvelle vie ».

L’artiste joue sur les différents états des matériaux avec notamment l’idée du passage de liquide à solide. C’est notamment le cas de son œuvre intitulée Les mouchoirs composée d’un mouchoir en papier placé sur de la résine fraîchement coulée. Le temps fait son œuvre et le mouchoir absorbe la résine et se rigidifie. Le résultat est surprenant avec cette dualité entre les deux matériaux l’un solide l’autre fragile et souple, mais également entre la quasi transparence du mouchoir et l’opacité de la résine. Cette œuvre est totalement représentative du travail de l’artiste et de ses préoccupations. Elle obtient, en effet, une sculpture dont le processus transparait dans sa forme finale.

Au-delà des limites

En utilisant ce type de matériaux, l’artiste prend des risques car elle n’est pas certaine de réussir à les façonner comme elle le souhaite, à les assembler, les mettre sous tension, … c’est là tout le défi ! Le doute et l’exploration font partie de sa démarche, elle n’est jamais certaine de tout maîtriser lorsqu’elle entreprend un nouveau projet. Parfois le résultat se révèle être au niveau de ses attentes d’autres fois non, la pièce s’effondre, la matière lutte, se rebelle,…

Pour elle, l’éboulement ou l’effondrement font pleinement partie de son travail et sont considérés d’avantage comme un état du travail que comme un échec. L’artiste regroupe d’ailleurs ces œuvres ayant cédés, sous le terme de sculptures déchues ; cette appellation renforce l’acceptation de la précarité et de la vulnérabilité au sein de son travail.

« À un moment donné »[1]

À l’encontre de ce monde véloce, le temps est à l’œuvre dans le travail de Capucine Vandebrouck ; le processus de fabrication peut être très long, variant de quelques heures à quelques semaines. Le temps est une problématique au centre de son travail, c’est lui qui façonne l’œuvre et qui est matière à réflexion. Le matériau lui-même induit la notion de temps dans le processus de fabrication, que ce soit dans la conception ou dans la réalisation de la pièce avec, notamment, cette idée de passage d’un état à l’autre ou le temps de sa transformation. Elle donne à voir un état de sa réflexion, du geste et du matériau et déclare à ce sujet : « Je regarde chaque pièce achevée non pas comme une finalité, mais comme une « façon de montrer » avec un passé et un devenir ».

C’est en repoussant les limites des matières, en expérimentant les possibilités d’une substance, d’un matériau, qu’elle aboutit à ces œuvres fragiles, comme suspendues dans le temps et dans l’espace. Au point que l’on a parfois l’impression que cela vient tout juste de se figer : arrive-t’on trop tôt ? Trop tard ? Et surtout : combien de temps cela va-t-il tenir ?

Les œuvres de Capucine Vandebrouck sont aussi vouées plus ou moins à disparaître selon les cas ; à n’être visibles qu’à un « moment donné » – pendant le temps de l’expérimentation ou de l’exposition – cela faute de place de stockage. Héritière d’une démarche post-conceptuelle, elle connaît désormais le mode d’emploi pour les re-fabriquer à la demande, la conservation ne semblant pas indispensable car elle «privilégie le geste créateur au détriment de l’objet fini».

Anne-Sophie Miclo

[1] Expression utilisée dans le titre de son mémoire de DNSEP « À un moment donné, un geste, un matériau, un processus »

Le travail de Capucine Vandebrouck sera visible à la Kunsthalle de Bâle dans le cadre de la Regionale 13 intitulée « When I look at things, I always see the space they occupy » et qui présente les oeuvres de Capucine Vandebrouck, Thomas Hauri, Markus Müller, Renate Buser, Sylvain Baumann, et Mandla Reuter / Du 25 novembre 2012 au 6 janvier 2013 / STEINENBERG 7, CH-4051 BASEL.

Exposition personnelle intitulée OJECT/ION à la galerie d’art Perrin de Montbéliard en janvier 2013.

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