Conversations

Skills: Conversations, Préfaces d'expositions

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Ce texte est le fruit d’une journée de travail et de conversations entre porte renaud, Capucine Vandebrouck et Anne-Sophie Miclo, lors de la réalisation de l’œuvre Se converser dans un des ateliers du Séchoir. Il reprend les différentes étapes de la réalisation de la scupture ainsi que les éléments majeurs des échanges.

« On ne fait pas des conversations pour la conversation, on fait des conversations pour produire des réalités. Une fois, cela produit un livre, une autre, une exposition, une troisième fois, une nouvelle rencontre. » Hans-Ulrich Obrist, Qu’est-ce que le curating, p.42

– Faire des choix – Établir un protocole – Converser –

Pour cette exposition « 1+1 = 22 », porte renaud, artiste membre du Séchoir, a choisi d’inviter la sculptrice Capucine Vandebrouck. Ensemble, ils décident de considérer l’architecture du lieu comme élément fédérateur de cette collaboration. Le Séchoir est un endroit où, jadis, on faisait sécher les tuiles. La tuile, en raison de la fonctionnalité passée du lieu d’exposition, est retenue comme forme et point de départ de ce travail collaboratif. Les deux sculpteurs déterminent alors un champ de contraintes, un protocole afin d’encadrer, une fois n’est pas coutume, cette création commune.

– Préparer le plâtre – Les mains dans la matière… –

Le plâtre est sans nul doute le matériau académique de la sculpture par excellence, celui qui permet la reproductibilité de la forme. C’est surtout un élément fondamental dans les pratiques sculpturales des deux artistes et un matériau du bâti qui permet à leur œuvre, tant par sa forme que par sa composition, d’établir un lien très fort avec l’architecture dans laquelle elle est présentée. Là, dans l’atelier, espace privilégié de travail et de recherche, quelque chose est en train de se faire, les artistes créent.

– Recouvrir les genoux d’une bâche en plastique – Déposer du plâtre par petites poignées – Étaler le plâtre le long des cuisses, jusqu’aux genoux –

Tuile. Substantif féminin. Du latin tegula « tuile » d’où « toit », dérivé de tegere « couvrir ». Pour la réalisation de cette œuvre, les artistes se réapproprient par ouï-dire la technique ancestrale de fabrication de la tuile qui n’est, de nos jours, que très exceptionnellement appliquée et qui consistait à mouler les tuiles sur les genoux du tuilier. Capucine Vandebrouck et porte renaud décident donc de réactiver ce processus, ce geste quasi oublié, mais surtout de se l’approprier et de l’interpréter. N’ayant pas davantage d’indication sur ce savoir-faire, les deux scupteurs développent dans l’atelier une technique bien à eux. On peut d’ailleurs distinguer au premier regard quelle tuile a été moulée par quel artiste, tant l’appropriation de cette pratique est forte.

– Modeler –

La tuile, avant de couvrir le toit, recouvrait une partie du corps. Ce dernier permettait de la mouler. Le corps est donc omniprésent dans la conception, puisque les artistes « font corps » avec la matière, et ont ainsi une relation très particulière à l’œuvre. Absent au premier regard de l’exposition, il est pourtant bien présent, partout, en filigrane, et revêt une forme de présence par l’absence.

– Lisser le plâtre – Parler –

Cette collaboration entre Capucine Vandebrouck et porte renaud a donné lieu a de nombreux échanges par rapport au « faire ». Qu’il s’agisse de leurs pratiques sculpturales, du titre de l’œuvre, de leur conception Ce texte est le fruit d’une journée de travail et de conversations entre porte renaud, Capucine Vandebrouck et Anne-Sophie Miclo, lors de la réalisation de l’œuvre Se converser dans un des ateliers du Séchoir. Il reprend les différentes étapes de la réalisation de la scupture ainsi que les éléments majeurs des échanges. du processus, de réflexions générales sur la matière ou encore de la façon d’étaler le plâtre hic et nunc sur leurs cuisses, la discussion est au centre de la collaboration. Les deux artistes ont eu envie ou besoin de verbaliser, de partager les choses pour que le processus fonctionne. Contrairement à leurs démarches artistiques habituelles, en solitaire, dans l’atelier, ici, la conversation permet de faire évoluer les idées, les gestes, de savoir rapidement et avec précision comment « faire », de produire des réalités.

– Laisser sécher une heure environ – Attendre – Réfléchir – Discuter, toujours –

La notion de temps est inhérente à l’utilisation du plâtre. En effet, obtenu par l’association de deux matériaux au moment de sa préparation, une transformation d’état s’opère au moment du séchage puisqu’il passe de l’état liquide à solide. Les deux artistes, de nature impatiente, se retrouvent ainsi en quelque sorte pris au piège de leur propre protocole. Ici, impossible de multiplier les gestes ; bien au contraire. Pendant ce temps, les mots fusent. Attendre. Une heure par tuile, assis sans bouger. L’antiproductivité et le détournement apparaissent alors au cœur de la démarche notamment à travers la lenteur du processus et l’absurdité d’utiliser le plâtre – matériau poreux qui rend, de fait, la tuile dysfonctionnelle.

– Recommencer – 3 jours de suite, toute la journée –

– Empiler dans l’ordre – Exposer –

L’exposition est, tout à la fois, un espace et une temporalité qui permet d’engager un dialogue, une réflexion. Face à cet empilement, très vite la notion de strates temporelles apparaît. On fait la tuile, on la pose, on l’empile et on recommence. La présentation ainsi obtenue n’est pas sans faire référence au corps tant à celui du tuilier d’antant qu’à celui des artistes d’aujourd’hui, et notamment à la position dans laquelle le geste a été fait.

– Conserver –

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