Rencontre avec Michel Blazy

Skills: Conversations

Texte publié sur Inferno – 2012

Michel Blazy, Sculpture (par Jean-Luc Blanc), 2003-2007,Photo: Marc Domage, courtesy art: concept, Paris.

Michel Blazy, Sculpture (par Jean-Luc Blanc), 2003-2007, Photo: Marc Domage, courtesy art: concept, Paris.

Dans les coulisses d’un « Grand Restaurant », rencontre avec Michel Blazy.

Michel Blazy est un artiste qui utilise des matériaux pauvres ou du quotidien pour réaliser ses sculptures et installations. Le temps et les aléas sont à l’œuvre dans ses pièces qui ne sont jamais figées. En pleine préparation de sa prochaine exposition « Le Grand Restaurant » au FRAC Ile-de-France, il a accepté de nous ouvrir les portes de son atelier et de répondre à nos questions.

ASM : – Après plusieurs collaborations avec le FRAC Ile-de-France, quel effet cela vous fait d’être à nouveau invité à l’occasion de ses 10 ans ?

Michel Blazy : – C’est au-delà d’une collaboration avec le FRAC, puisque l’une des premières expositions que j’ai faite dans la région parisienne était au Centre d’Art Contemporain de Brétigny-sur-Orge alors dirigé par Xavier Franceschi. Il n’y a pas eu de perte de contact, donc c’est vraiment la continuité d’une longue histoire.

– Pouvez-vous nous parler de l’exposition ?

– Le point de départ est une pièce que j’avais envie de développer et qui n’avait été montrée qu’une seule fois à la galerie Art : concept. Il s’agit d’une œuvre composée de moquette et d’escargots. Donc, je suis parti de cette pièce et elle a entrainé assez naturellement les autres qui traitent également des rapports entres les différents organismes vivants. L’exposition aborde les façons de se nourrir des différentes espèces.

– Quelles œuvres allez-vous présenter ?

– La pièce à l’origine de cette exposition, avec de la moquette et des escargots intitulée Lâcher d’escargots sur moquette marron, qui présente les traces de bave des escargots sur la moquette.

Il y aura aussi Tables auto-nettoyantes qui est une installation composée de six tables de jardins en plastique, dont une contenant une fourmilière insérée dans ses pieds. Les tables sont reliées par des manches à balais sur lesquels les fourmis voyagent de table en table afin d’accéder aux restes de petit-déjeuner présents sur celles-ci. Cette œuvre traite du rapport homme-animal notamment à travers les restes laissés par l’homme.

L’œuvre Sculptcure : Bar à oranges sera présentée pour la première fois en France ; il s’agit de demi-oranges empilées les unes sur les autres qui forment des sculptures. L’un des exemplaires présenté a une dizaine d’années ! Les visiteurs pourront créer la leur, car un bar à oranges sera à leur disposition ; ils pourront presser leur orange, déposer leur pelure sur une nouvelle pile et boire le jus qu’ils auront pressé. Il y a un rapport symbiotique dans cette pièce car la sculpture prospère et apporte à l’homme l’énergie : les deux organismes en sont grandis.

Les Tableaux-souris seront présentés dans la même salle que les tables afin de se rapprocher visuellement au maximum d’une vraie salle de restaurant.

Il y aura aussi une vidéo, The party qui consiste à observer le comportement des crabes, des lézards et des oiseaux confrontés à des sculptures composées de fruits en boîte.

Les sculptures en plantes nommées Avocats occuperont aussi le lieu.

Circuit fermé est probablement la pièce la plus agressive ; c’est une pièce où le visiteur peut manger un carpaccio comme dans n’importe quel restaurant mais où la présence de moustique rend la dégustation spéciale. Il y a un cycle entre l’homme et l’animal avec l’idée du don ; en effet, cette pièce ne nous apporte pas quelque chose mais nous prend notre sang.

La pièce finale est la grotte composée de coton et de lentilles. Sa forme est mal définie si bien qu’elle ressemble presque à une pomme de terre gigantesque dans laquelle on pourra rentrer. On y rentre par une ouverture ronde, qui évoque pour moi, le trou du ver dans un fruit.

Une interaction va surement se créer entre toutes les pièces : par exemple, les oranges vont attirer les drosophiles, qui vont attirer les araignées dont les fourmis vont aussi profiter car sur la table à fourmis, les drosophiles seront aussi attirées par les restes de petit-déjeuner, etc.

– Mais dans votre travail, la notion d’aléas est toujours présente donc cette interaction peut ne pas se faire.

Cela peut effectivement ne pas être ! Dans mon travail, c’est toujours le même rapport aux choses : j’encourage, je mets tout en place pour favoriser telle ou telle réaction, mais il y a toujours des aléas.

– Le rapport au lieu est important pour vous, comment s’est passée la préparation de ce projet ?

– J’ai effectivement pris en compte le site. Un détail qui est intéressant à savoir c’est qu’il s’agit d’un ancien supermarché mais dont les volumes ressemblent à ceux d’un appartement. Donc ma première idée était celle de l’appartement. Mais le lieu est fait d’une telle manière qu’une autre idée s’est imposée : il y a une enfilade de salles qui propose un parcours au visiteur puisque l’on arrive à la dernière salle uniquement en ayant vu toutes les autres, j’ai donc pris en compte ce scénario pour disposer mes œuvres.

– Pourrait-on qualifier cette exposition de rétrospective ?

– Non, car je présente beaucoup de nouvelles pièces qui fonctionnent comme un processus et se déroulent sur un autre temps qui leur est propre. Cette exposition est peut-être moins spectaculaire visuellement parlant qu’un mur de mousse car les œuvres sont un peu plus conceptuelles. Je dirais que ce n’est pas du tout une rétrospective, au contraire, c’est plutôt une parenthèse ou une nouvelle voie qui s’annonce.

– Comment s’est fait le choix du titre de l’exposition : « Le Grand Restaurant » ?

– J’avais l’idée de l’appeler « Le Restaurant Planétaire » au début, en référence au Jardin Planétaire de Gilles Clément et aux vues de certaines œuvres que je présente, dont une qui me fait penser à une station orbitale. Et puis finalement, je l’ai appelée « Le Grand Restaurant », mais ce n’est pas au sens de chic, c’est plutôt le restaurant de toutes les espèces. Il est question d’alimentation partout, à l’échelle planétaire, de la diversité des espèces qui s’y nourrissent et des rapports que cela produit.

– Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir ?

– Après le vernissage, je vais partir en Tasmanie pour aller réaliser quatre pièces dans un musée à Hobart. A mon retour, je présenterai une œuvre à l’occasion de la Nuit Blanche dans la mairie du IVème arrondissement à Paris ; il s’agira d’une autre version de Bouquet Final 2, mais en volume cette fois.

– Enfin, dans ce Grand Restaurant, vous y mangeriez ?

– Certainement ! Je vais aller manger et me faire manger pour permettre la reproduction de mes moustiques…

 

Propos recueillis par Anne-Sophie Miclo

 

« Le Grand Restaurant » / Exposition Michel Blazy /  Du 20 septembre au 18 novembre 2012 / FRAC Ile-de France / Le Plateau / Place Hannah Arendt, Angle de la rue des Alouettes et de la rue Carducci 75019 Paris / 01.76.21.13.41 / Du mercredi au vendredi de 14h à 19h / Les samedis et dimanches de 12h à 20h.

« Le Grand Repas » – Jeudi 11 octobre – 19h30 : Le Grand Restaurant vous reçoit avec un menu concocté expressément pour cette soirée. Chaque salle vous proposera ses plats spécifiques. Venez déguster nos spécialités tout en participant à la grande chaîne de l’alimentation… Attention ! Nombre de places limité. Réservation impérative sur reservation@fracidf-leplateau.com. Participation : 10 euros