Nuage : une exposition l’air de rien…

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Texte publié sur Inferno – 2013

Le musée Réattu d’Arles réalise un tour de force avec son exposition sobrement intitulée Nuage qui réunit pourtant plus de 120 œuvres d’artistes majeurs faisant appel à une pluralité de médiums et de formats qui entrent en résonance.

Charlotte Charbonnel, ADN, aperçu de nuage, 2005-2013 – coll. De l’artiste. Photo F.Halna. © C.Charbonnel Installation, expérience éphémère (durée de vie du nuage: 60 heures). Dimensions variables, techniques mixtes, bocaux en verre de 3 litres

Charlotte Charbonnel, ADN, aperçu de nuage, 2005-2013 – coll. De l’artiste. Photo F.Halna. © C.Charbonnel
Installation, expérience éphémère (durée de vie du nuage: 60 heures). Dimensions variables, techniques mixtes, bocaux en verre de 3 litres

Le nuage, sujet à la fois poétique et méditatif, flotte au croisement entre nature et culture, art et sciences naturelles. Combinaison de contraires et d’extrêmes, mais surtout sujet qui nous échappe. Comment composer une exposition à partir de « rien », de l’insaisissable ? Michèle Moutashar, la commissaire de l’exposition, rassemble avec brio une sélection d’artistesmodernes et contemporains qui se sont emparés de cette thématique nébuleuse.

Dans la profusion des artistes présentés, Charlotte Charbonnel propose une installation éphémère intitulée ADN, aperçu de nuages, dans laquelle elle donne à voir sa capture réussie de l’objet métaphysique par excellence. Des nuages de lait se tiennent au milieu de bocaux remplis d’eau… Ils sont trois à nous faire face de façon vaporeuse, fragile et délicate tels des nuages conservés dans du formol… le visiteur sait pertinemment que l’état de ces petits nuages (comme celui des réels) ne pourra être intemporel.

L’œuvre de Jacqueline Salmon s’inscrit en toute discrétion dans le bâtiment de l’ancien Grand Prieuré de l’ordre de Malte. Là, sur les murs des escaliers, se trouve la Carte des vents au sujet de laquelle l’artiste déclare que l’on est « entrainé dans un ciel de peinture, un ciel qui n’existe pas, mais qui donne à voir des flux, des étages lumineux surplombant le monde » .

Après avoir pu observer, entre autres, les œuvres de Marcel Broodthaers, Andy Warhol, ou encore Marina Abramovic, le visiteur arrive dans l’une des dernières pièces de l’exposition investie par Céleste Boursier-Mougenot et son installation Veille. Il s’agit d’une retransmission en temps réel des mouvements météorologiques qui environnent le musée selon le principe de la camera obscura ; l’image obtenue est donc inversée. La retranscription, à la fois sonore et visuelle, plonge le spectateur installé sur des coussins en forme de galets ; qui ne sont pas sans rappeler ceux du Rhône avoisinant ; dans une atmosphère songeuse. Comme le dit si bien l’artiste : « Ce basculement du ciel et de l’eau ainsi que le flou de l’image, qui n’est pas sans
 évoquer un geste pictural plutôt qu’une action photographique, opèrent une perte des repères propice à la contemplation et à l’écoute ».

Le visiteur sort de cette exposition conquis par tant de réflexions et de poésie. Les images et les mots résonnent, et comme l’indique l’artiste Pierre-Alain Hubert dans la prescription médicale qui compose son installation : « Pour rejoindre la céleste demeure, prendre matin et soir une cuillère de nuage »… À méditer.

Anne-Sophie Miclo

NUAGE / Jusqu’au 31 octobre 2013 / Musée Réattu 10, rue du Grand Prieuré
 13200 Arles
France Tél : 04 90 49 37 58